L’OBJET DU MANQUE.
Vingt-cinq coups de soleil ne sauraient effacer de ma mémoire tous les plaisirs que j’associe à Montréal et à la vie nord-américaine.
Chocolat noir et café
Au Brésil, en 2002, un certain D. G. Turgeon a écrit un courriel dans lequel il résumait sa passion pour le cacao : « Le chocolat noir est la seule invention valable depuis la fellation. ». Sa passion reste la même. Les Brésiliens n’ont pas changé non plus : ils demeurent aussi hostiles aux saveurs amères qu’à utiliser les clignotants de leur auto.
Je n’ai pas trouvé de substitut valable au bonheur de combiner chocolat (minimum 80% de cacao) et espresso du Caffè Italia. Ça déchaîne l’imagination. Traduire en prose l’exacte sensation serait si difficile qu’il vaut mieux recourir à la simplicité de la Novlangue du roman 1984 : « Humm… Double plus bon. ».
John Coltrane
Pour survivre au manque de jazz, je me suis procuré un nouvel enregistrement inédit du maître : Live at the Half Note. Quarante ans après le show, les maniaques dans mon genre peuvent écouter ce qui avait été diffusé en direct à la radio new-yorkaise. Bien sûr que je connaissais d’autres versions de la pièce One down, one up, mais celle-ci est incomparable. Vingt-huit minutes de pure exaltation. Un solo supérieur à celui du mythique Chasin’ the Trane gravé au Village Vanguard.
Si je m’étais déjà converti à la technologie Ipod, arriéré conservateur que je suis, j’aurais pu traîner ma collection complète de disques. Ce sera pour un prochain voyage.
Marché Jean-Talon
Ce marché représente pour moi un véritable espace démocratique : une foule composée d’anglophones, de francophones, de latinos, de noirs, d’Arabes, d’Asiatiques, d’âge et de classe sociale différents. D’autant plus important que ce soit un espace ouvert quand il est question de nourriture, le besoin le plus fondamental.
Ce n’est jamais une corvée aller faire un tour au marché Jean-Talon. Je commence déjà à écrire ma liste d’épicerie : fromage Pied-de-vent, cidre de glace, pâtes fraîches, homard, feuilles de vignes farcies…
Voilà un de mes espaces urbains favoris, même si je risque d’y croiser Francis Reddy.
Poulet au beurre
Du poulet à Rio, oui y en a. Du beurre aussi. Par contre, il manque toujours cette simple préposition grâce à laquelle surgirait une union de fait savoureuse. Je pense en particulier à un resto de Parc-Extension, pas très loin du métro L’Acadie. Le cuisinier est le Salman Rushdie du poulet au beurre. Reste à souhaiter qu’Immigration Canada lui accorde un statut de réfugié gastronomique. Une seule bouchée suffit pour se fondre dans les trois derniers siècles de l’histoire de l’Inde. Ce plat est une marque d’amour à l’endroit de son pays d’origine.
Six feet under
Avant mon départ, j’ai loué tous les DVD de la troisième et de la quatrième saison. À mon retour, je vais me précipiter au club vidéo pour mettre la main sur les épisodes de la cinquième et dernière saison. Quel sera le destin de Nate, David et Claire ? Cette série télévisée américaine est admirable à tous points de vue. Malgré ma tendance maladive à dénicher les imperfections, je n’ai rien à reprocher aux auteurs de la série. Six feet under est pour la télévision ce que les tragédies de Sophocle représentent pour le théâtre.