14.3.06

KABOUM !!


J’ai découvert une nouvelle chose que je déteste autant que le café instantané à saveur de noisette : me faire réveiller par l’explosion d’une grenade à 4h25 du matin. Un trafiquant de la favela Santo Amaro, située derrière chez moi, a tiré l’engin sur des policiers qui venaient de mettre le pied sur son territoire.

Maintenant que le Carnaval est terminé, la musique ne couvre plus le bruit des fusillades.

Le deux mars dernier, au cours d’une manœuvre audacieuse, un groupe de bandits a envahi un poste militaire et mis la main sur une dizaine de fusils. Un ex-soldat aurait participé à l’attaque. Sa connaissance des lieux aurait facilité la réussite de l’opération. La surprise a été telle que les militaires n’ont pas eu le temps de réagir. Les armes volées sont de fort calibre : une balle peut atteindre une cible située derrière un mur de briques.

Le matin suivant, 1600 militaires occupaient douze favelas dans le centre et la Zone Nord de Rio. Des bataillons surveillaient les principales voies d’accès à la ville. Sur le pont entre Rio et la ville voisine de Niterói, un groupe de soldats vérifiaient l’identité des automobilistes. Dans le ciel, des hélicoptères survolaient les favelas où se trouvait l’armée brésilienne.

L’occupation militaire a duré jusqu’au dimanche 12 mars. Les affrontements ont été particulièrement intenses dans les rues du Morro da Providência, la plus ancienne favela de Rio. Trafiquants et militaires s’affrontaient le jour comme la nuit. Entre les deux, se trouvaient des milliers de citoyens impuissants.

Le bilan est le suivant : quatre blessés et un mort. Tous des victimes de balles perdues. Un porte-parole de l’armée est parvenu à dénicher une statistique démontrant une diminution de la violence au cours des dix derniers jours. J’aimerais bien savoir quel type de méthodologie a été utilisé.

L’armée n’a pas récupéré l’équipement volé.

Suite à un appel anonyme, la Police Militaire a reçu l’information que les fusils tant convoités se trouvaient dans la favela Santo Amaro. C’est pour cette raison qu’ils ont mené une attaque surprise dans la nuit de jeudi à vendredi dernier. En plus de l’explosion de grenades, il y a eu plusieurs coups de feu. Le lendemain matin, quatre policiers ont stationné leur véhicule en face de la porte d’entrée de mon édifice. Ils faisaient signe aux motocyclistes de s’arrêter et examinaient leurs papiers d’identité.

J’ai aperçu le camion blindé de l’escouade tactique. Une tête de mort et deux pistolets croisés représentent les policiers de ce groupe spécial. Leur sigle est dessiné sur les portes. Le blindage a résisté aux nombreuses balles reçues, mais les traces sont très visibles. Les munitions de AK-47 ou de AR-15 qui ont atteint les vitres ont laissé des motifs en forme de toile d’araignée.

C’était la deuxième fois en quinze jours que des incidents se produisent dans la favela Santo Amaro. Le 23 février, une poursuite s’est terminée par la mort d’un trafiquant de 26 ans, Ratinho (petit rat). Quand ses amis ont appris la nouvelle, ils ont descendu l’escalier qui mène à la favela et ont déchargé leur mitraillette sur les édifices et les autos. À ce moment, jeudi midi, je me trouvais dans le salon chez moi. Le bruit des rafales se mêlait aux cris des écoliers. Au début, je croyais que les coups de feu provenaient de la cour d’école. Heureusement, ce n’était pas le cas. Personne n’a été blessé.

Pour terminer, j’ai reçu des menaces de mort.

Un premier message anonyme, laissé sur la porte de l’appartement, me mettait en garde : « Je suis une personne qui te déteste beaucoup et tu sais qui je suis. MORT !!! » Le second message disait que l’auteur était l’ancien amoureux de Geneviève et que celle-ci était tombée enceinte de lui, mais qu’elle avait subi un avortement. Un autre message invitait Geneviève à rencontrer cet homme dans l’hôtel de l’autre côté de la rue. Tout ça en l’espace de dix minutes.

Je n’ai pas eu de difficulté à deviner qui c’était. Un expert du chantage et de la menace n’écrirait pas « observation : » ou ne dessinerait pas des astérisques pour attirer l’attention sur la partie importante du message.

Il s’agissait d’une fillette de onze ou douze ans qui habite l’immeuble et à qui j’avais parlé quelques fois. Selon toute évidence, elle a eu le coup de foudre pour moi et m’en voulait de ne pas tout avoir abandonné pour vivre avec elle et son frère dans le deux et demi de ses parents. Je l’ai surprise avec son amie, alors qu’elles s’étaient cachées à l’étage supérieur. Elles ont eu droit à une bonne engueulade. Depuis ce temps, Ana Paula n’ose plus me regarder dans les yeux.

Tout de même. Folle jeunesse.

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