STADE FINAL
Le championnat de foot de l’État de Rio de Janeiro a débuté le 14 janvier dernier. Cette compétition célèbre en 2006 son centième anniversaire.
Il n’a pas fallu attendre longtemps avant que se produise la première grande confusão de l’histoire du football carioca. En 1907, Fluminense et Botafogo font match nul durant la finale de la compétition. Pour une raison inconnue, il n’y a pas eu de temps supplémentaire ni de tirs au but afin de déterminer le vainqueur. Au cours des décennies suivantes, les deux équipes vont plutôt se battre devant les tribunaux. Quatre-vingt-dix ans après le coup de sifflet, la Justice sportive confirme le partage du titre entre Fluminense et Botafogo. (Heureusement, je n’ai pas eu à attendre aussi longtemps pour obtenir la prolongation de mon visa.)
Le foot brésilien est reconnu pour son caractère offensif : Pelé, Garrincha, Zico, Romário, Rivaldo, Ronaldo... Si t’es défenseur au Brésil, c’est parce que t’arrives en retard aux pratiques. Cette tendance n’est pas nouvelle : le 30 mai 1909, dans le cadre du championnat d’État, Botafogo a humilié Madureira 24 à 0.
Dimanche 29 janvier, le champion de 1906 (et de 29 autres éditions), Fluminense, rencontre son plus vieux rival, Flamengo. Ce sont deux des quatre grandes équipes de Rio. La première a été fondée en 1902 par Oscar Cox et ses partenaires. Cinq ans auparavant, durant un voyage d’études en Suisse, Oscar Cox avait découvert ce sport. Il a jugé bon l’implanter en Amérique du Sud. Les affrontements Fla-Flu sont toujours mémorables. Durant les années soixante, les deux équipes ont disputé un titre de championnat devant 177 020 spectateurs.
Le match se déroule au stade Maracanã. Depuis plus de neuf mois, il était fermé au public pour des rénovations majeures en vue des jeux Panaméricains de 2007. Ce terrain occupe une place immense dans l’imaginaire collectif des habitants de Rio et du Brésil en général. Des dizaines de finales ont eu lieu dans ce stade. En 1950, l’Uruguay a vaincu le Brésil et remporté la Coupe du Monde sur le gazon du Maracanã. Une fracture de l’orgueil encore sensible à ce jour.
Le plan initial prévoyait la réouverture du Maracanã en septembre dernier, pour le match de classification Brésil-Chili. Quand on a demandé au foreman si la chose était réaliste, il s’est étouffé avec sa bière. OK d’abord : mi-octobre pour la rencontre Brésil-Vénézuela. « La commande de nouveaux sièges est toujours pas arrivée. » a fait remarquer le foreman. Bon ben… en novembre pour les parties locales du Fluminense. Le foreman n’a pas dit un mot, mais il s’est mis à siffler un succès de Kenny G. Finalement, on s’est dit que la meilleure décision serait d’ouvrir la moitié du stade en janvier.
Les travaux ne sont toujours pas complétés et ne le seront qu’en novembre 2006. Il y a tout de même 44 000 places disponibles dans l’anneau supérieur. La capacité maximale est d’environ 90 000 spectateurs.
Sur le terrain, le meilleur joueur du Fluminense s’appelle Petkovic. Il est originaire de la Serbie-Monténégro. C’est un des rares Européens qui jouent au Brésil. Du côté adverse, les partisans de Flamengo ont adopté l’attaquant paraguayen Cesar « El Tigre » Ramirez. En 2005, le meilleur joueur du championnat brésilien était un Argentin du nom de Carlos Tevez. Le talent brésilien serait-il en pleine rupture de stock ? Pas vraiment. Le problème se résume de la manière suivante : aussitôt qu’un Brésilien démontre des habiletés supérieures à la moyenne, un club européen lui propose un contrat. Par exemple, Fred, le meilleur joueur durant les premiers mois de 2005, a accepté un transfert à Lyon en plein milieu de la saison. Si au moins il était allé jouer en Espagne ou en Italie…
Les gringos Petkovic et Ramirez ont marqué chacun un but. Résultat final : Flamengo 2 – Fluminense 2.
Un résultat comme celui-là limite les confrontations entre torcedores ennemis. Aucune équipe n’a perdu la face. Seulement deux partisans de Flamengo se sont faits tirer dessus à la sortie du stade. Leurs vies ne sont pas en danger.
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