25.11.05

3.5 GRAMMES

Le trafiquant en avant de moi, qui ne doit pas avoir plus de 22 ou 23 ans, porte deux fusils à la taille, quatre grenades sur la poitrine et une ceinture de balles en bandoulière.

Je lui donne l’argent et il me remet un sachet en plastique.

Humm… Humm… J’hésite à lui dire que son pot est rempli de graines.

Ici, le cannabis est cultivé de manière traditionnelle. Les plants grandissent au soleil dans des champs au milieu de nulle part. Oubliez le clonage, la culture hydroponique et les lampes halogènes.

Paragraphe à l’intention du novice : Ce sont les plantes femelles qui produisent les fleurs. Plus elles sont grosses, plus l’effet sera fort. Le clonage (méthode très courante au Québec) permet d’établir une production composée uniquement de plantes femelles. Au Brésil ou partout ailleurs en Amérique latine, les plants mâles côtoient le sexe opposé. La nature suit son cours : le mâle fertilise la femelle. À partir de ce moment, la croissance des fleurs s’arrête. Conséquence première : le produit brésilien est beaucoup plus inoffensif que ce que votre prof de yoga fait pousser dans le local du fond.

On pourrait dire que le Morro da Mangueira est un coin mal famé (remarquez que je n’ai jamais entendu parler d’un endroit bien famé). C’est une des 700 favelas de Rio de Janeiro dans lesquelles vivent un peu plus d’un million de personnes. Les points de vente de cannabis s’appellent boca-de-fumo (littéralement, bouche de fumée). Les consommateurs sont nombreux. C’est peut-être juste qu’ils n’ont pas vu la pub à la TV qui dit que la drogue n’est pas bonne pour la santé. Pourtant, elle passe aux heures de grande écoute.

Le cannabis est le principal objet du commerce illégal. En second lieu, on retrouve la cocaïne.

Pour se protéger de la concurrence féroce, les gangs se livrent aussi au trafic d’armes.

Si la police militaire tue un trafiquant important, au cours d’une opération spectaculaire, il y en a 15 pour le remplacer. C’est à ce moment que les luttes de pouvoir sont les plus intenses et les fusillades les plus fréquentes.

Si la Justice envoie ce trafiquant en prison, il commande les opérations à partir de son téléphone cellulaire.

Pour un Québécois, il est difficile de comprendre à quel point la drogue mythique du Peace and Love peut être associée à un tel déferlement de violence.

Voilà ce qu’écrivait cette semaine Carlos Minc, député du Parti des Travailleurs (PT), dans le Jornal do Brasil : « La loi qui garantit le monopole de la vente de drogues illégales aux trafiquants alimente ce pouvoir économique parallèle, dont les tentacules asphyxient la citoyenneté et soumettent des millions de personnes au despotisme et à la loi du silence. »

Le député ne va pas jusqu’à parler de légalisation (le sujet est presque tabou), mais il constate que les méthodes actuelles sont inefficaces. Il approuve le projet de loi qui empêcherait d’emprisonner les usagers. Celui-ci est tombé à l’eau depuis le début de la crise à Brasília (voir note à la fin).

Si on fait le total de policiers morts en devoir, de bandits assassinés et de victimes de balles perdues, la guerre à la drogue tue 30 fois plus que les overdoses.

La répression n’est pas la solution.


Note : Depuis quelques mois, le gouvernement du président Lula (Parti des Travailleurs) est pris dans une série de scandales de corruption. Entre autres, on accuse le gouvernement d’avoir payé des publicitaires pour des contrats bidon. Le coût de la facture est d’environ 5 millions de dollars canadiens. Une partie de cet argent est revenu dans la caisse du parti sous forme de financement secret. Humm… il me semble que ça me rappelle quelque chose.

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