18.11.05

Article disponible sur le site internet du Centre des médias alternatifs du Québec.

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EN TERRITOIRE OCCUPÉ À RIO DE JANEIRO

Depuis le 26 avril dernier, 120 familles ont pris possession d’un édifice abandonné du centre-ville de Rio de Janeiro. L’opération, qui marquait le début de l’occupation Zumbi dos Palmares, s’est déroulée à l’aube. Le but principal : la conquête définitive d’un logement.

En 2002, durant sa campagne électorale, le président Lula promettait la transformation d’édifices publics en tours à logements. L’idée est toujours sur la table. Le ministère des Villes prévoit convertir un millier d’immeubles abandonnés, propriété de l’Institut National de Sécurité Sociale (INSS), en résidences populaires. Dans le cas de Rio de Janeiro, ce programme vise à augmenter le nombre de logements dans les zones centrale et portuaire.

Pour Maria de Souza et ses trois enfants, l’échelle du temps n’est pas la même que celle d’un ministère. Elle ne peut attendre le début officiel d’un projet dont les échéanciers restent flous ; surtout que le programme s’adresse aux familles qui gagnent cinq fois le salaire minimum mensuel (300 reais ; environ 150 dollars canadiens). Ce qui est de loin supérieur au revenu d’un sans-abri ou des travailleurs les plus pauvres.

Maria de Souza et sa famille habitent maintenant en face de l’Institut National de Technologie. Depuis 20 ans, personne n’avait occupé cet édifice de huit étages. Dans pareille circonstance, les vêtements rouges, jaunes et verts qui sèchent sur le bord des fenêtres sont un signe de vie peu banal.

Au lendemain de l’arrivée des nouveaux locataires, l’INSS entame des procédures juridiques. Des avocats du milieu communautaire ont pris la défense des familles. L’institut souhaite mettre les envahisseurs à la porte parce que ce serait plus rentable de vendre l’édifice.

En 2001, le même argument a été utilisé pour jeter à la rue les familles qui occupaient depuis trois ans un édifice abandonné du quartier Lapa, à proximité du centre-ville. Encore aujourd’hui, l’immeuble est dans un état avancé de détérioration et il n’y a aucun acheteur potentiel en vue. Des agents de sécurité surveillent l’entrée 24 heures par jour.

En périphérie, dans la Zone Nord et Ouest de Rio ou aux limites de la ville (la Baixada fluminense), le transport coûte cher, la violence est épidémique, il y a peu d’emplois et les services sociaux, que ce soit éducation, santé ou culture, sont insuffisants. Un exemple récent de cette situation : quatre bureaux de poste communautaire viennent d’ouvrir leurs portes dans la favela de Mangueira. Comme les facteurs ne veulent plus distribuer le courrier, à cause des fusillades fréquentes, des bénévoles assurent le service.

Plusieurs familles cherchent à échapper au cycle de la violence et au processus de « favelisation ». 300 personnes, dont beaucoup d’enfants, participent à l’occupation Zumbi dos Palmares. Les efforts pour améliorer leur vie se traduisent de manière concrète.

À l’intérieur de l’immeuble, les occupants doivent respecter un règlement interne qui contient 18 articles. La consommation de drogues et d’alcool est interdite, de même que la présence d’animaux. Les adultes doivent participer aux réunions et travailler à l’entretien de l’édifice. Dès le départ, le groupe a concentré son énergie sur la réparation des installations hydrauliques, sanitaires et électriques.

Différent projets sociaux ont été mis sur pied. Des classes d’alphabétisation sont offertes à tous. Un professeur donne un cours d’histoire du Brésil les samedis à 17 heures. Pour les enfants, il y a l’aide aux devoirs et des activités (dessin, peinture et musique) le lundi et mercredi.

Trois fois par semaine, les réunions « Coletivo » permettent de discuter des différents problèmes. Il n’y a pas de leader. Chaque homme ou femme peut prendre la parole en début d’assemblée. On applique les principes communautaires de toutes les façons. Le vendredi soir, la participation est moins active. Les gens sortent dans la rue pour faire un peu d’argent en vendant de la bière, des boissons gazeuses ou du chocolat.

Les réunions se tiennent dans la pièce principale au rez-de-chaussée, à côté des toilettes et des douches communes. Les occupants peuvent compter seulement sur deux ampoules pour éclairer la salle au complet.

Au total, une vingtaine de pièces sont distribuées sur sept étages. En plus des logements, il y a des salles de réunion, d’études et même un local de sérigraphie qui sert à imprimer le logo Zumbi dos Palmares sur des t-shirts. Au huitième étage, où les travaux s’étaient arrêtés à l’époque de l’INSS, les occupants essaient de construire d’autres chambres.

Pour les enfants, ça n’a pas d’importance que ce soit la mairie de Rio et le gouvernement fédéral qui payent les factures d’eau et d’électricité. Au mois de juin dernier, ils n’ont pas compris ce que signifiait la visite de la juge Salete Maria Pollita Maccaloz. Leurs jeux et leur insouciance sont un symbole d’espérance aux yeux de parents comme Maria de Souza.

Le 16 août dernier à Brasilia, la capitale du pays, des porte-parole de l’occupation Zumbi ont discuté avec une responsable du Programme de Réforme Urbaine. Même si la réunion n’a pas donné de résultats, les locataires peuvent rester positifs quant à l’issue du procès.

Quelques rues plus loin, toujours au centre-ville, l’occupation Chiquinha Gonzaga est sur le point d’obtenir un statut légal. Les occupants en sont venus à une entente avec le propriétaire, l’Institut National de Colonisation et de Réforme Agraire (INCRA).

L’idée de l’occupation Zumbi dos Palmares est née là-bas. Comme il n’était plus possible de répondre aux nombreuses demandes de logement, l’expansion devenait nécessaire. Il a fallu neuf mois de préparatifs avant qu’une banderole puisse être suspendue au-dessus de l’entrée : Si se loger est un droit, occuper est un devoir.


Quelques détails à propos de Zumbi dos Palmares (1656-1695)

Fils d’esclaves noirs, il naît alors que la ville attend une attaque hollandaise. Son nom doit inspirer les troupes : Zumbi signifie Dieu de la Guerre. Alors qu’il est enfant, il survit à un massacre qui le laisse orphelin. Le Père Melo le recueille et s’occupe de son éducation. Zumbi dos Palmares apprend des notions de mathématiques, d’histoire biblique et de latin. À 19 ans, il devient chef d’un mocombo (village). Le gouverneur de Pernambuco est prêt à offrir la liberté aux noirs et aux indiens qui habitent le village de Palmares. Zumbi refuse. Il veut que tous les esclaves du pays deviennent des hommes libres. Sa tête est mise à prix par les autorités. Une vingtaine de soldats le capture et lui tranche le cou.

Zumbi dos Palmares est mort le 20 novembre, maintenant journée de la conscience noire au Brésil.

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