27.1.06

LA MÉLODIE DU BEETLE

Pendant plusieurs mois, le voisin du percussionniste Siri a refusé de lui adresser la parole. Tout au plus, il le saluait d’un signe de tête. Il ne comprenait pas pourquoi le musicien s’obstinait à conserver dans son garage une carcasse rouillée de Beetle (qu’on appelle au Brésil fusca) et à stationner son auto dans les rues. La vieille Volks n’avait même plus de moteur.

La relation entre voisins est devenue très cordiale après le passage de Siri à l’émission de Jô Soares (une espèce de Jay Letterman brésilien). Ce soir-là, il a démontré comment c’était possible de transformer une Beetle en instrument de percussions.

Pour me montrer comment il sert de cet instrument inhabituel, Siri m’a invité à accompagner son groupe pour un spectacle dans un centre culturel de São Paulo. L’auto est assemblée sur scène et en occupe la majeure partie.

À notre arrivée, la veille du spectacle, nous commençons par laisser les bagages à l’hôtel. Près de la réception, il y a une série de photos des clients célèbres : Fidel Castro, Édith Piaf, Federico Fellini, Youri Gagarine… J’ai un frisson à l’idée que je peux dormir dans les mêmes draps qu’Elizabeth II.

La chambre au 18e étage offre une vue sensationnelle du centre-ville de São Paulo. J’essaie d’imaginer quel est le poids total d’une mégalopole, combien de centaines de millions de kilos écrasent le sol. Pour quelques heures, je me joins à ces Paulistas qui vivent plus souvent dans un espace vertical qu’horizontal. Il y a une vingtaine d’antennes de communication, gigantesques pointes de flèche métalliques, éparpillées sur les toits des grands édifices. Pendant la nuit, elles forment une véritable haie de tours Eiffel illuminées.

Je partage ma chambre avec Aspirina, le technicien du groupe. Son surnom a pour origine les maux de tête que provoquent les demandes complexes du leader. Il a tout à fait le style de l’emploi : les cheveux toujours dépeignés, un pinch qui tombe sur les coins de la bouche, la bedaine du buveur expérimenté et l’air fatigué du gars qui se couche à trois heures du matin même s’il doit se lever à six. Sur une épaule, il porte un tatouage de Mozart et sur l’autre, celui de Beethoven. Ce qui ne l’empêche pas d’être un grand admirateur du groupe punk The Ramones. Comme il le dit lui-même : « J’aimerais bien aller vivre au Canada, mais avec la tête que j’ai, pas moyen de passer les douanes. ».

Le spectacle est prévu à 13 heures le mardi. Il s’inscrit dans la programmation de la série « O fenômeno das novas orquestras ».

Tout s’est bien déroulé. Ce n’était pas un travail facile d’équilibrer le son pour une aussi grande variété d’instruments. Une trentaine en tout : guitare, violon, violoncelle, vibraphone, conga, pandeiro, berimbau, talking drum…

La projection DVD qui accompagnait la pièce d’ouverture montrait un moteur de Beetle en action. Le cycle du moteur forme la base de la composition pour trombone et carcasse d’auto.

Ce qui en résulte est une pièce très rythmique qui ne s’adresse pas seulement aux amateurs de musique expérimentale. Le président de l’association des propriétaires de Beetles/Fuscas était sur place. Il a adoré au point d’acheter trois disques.

Avant de repartir pour Rio en fin d’après-midi, nous sommes allés dîner dans un buffet près du centre culturel. J’en profite pour me gaver de sushis au saumon. L’occasion ne se présente pas souvent.

Au milieu de la rue piétonnière près du resto, pour la quatrième fois en moins d’une heure, les vendeurs de logiciels pirates remballent à toute vitesse leur matériel. La police municipale tolère leur présence, mais il faut respecter un certain rituel : dans un rayon de dix mètres autour des policiers, la présence de marchandises illégales est interdite.

À mi-chemin entre les deux métropoles, dans l’autobus où se trouvent les sept autres musiciens, Siri me raconte comment s’est déroulé un des premiers spectacles à São Paulo.

« Le technicien que j’avais engagé pour assembler la carcasse du fusca ne s’est jamais présenté. Il n’a jamais communiqué avec moi pour essayer de se justifier. Il a fallu que je me débrouille pour monter les pièces. Je n’avais jamais fait ça. Un ami est venu me donner un coup de main. Au total, on a passé vingt heures à préparer la scène. J’étais complètement épuisé avant le début du show. En plus, je n’avais pas l’argent nécessaire pour rapporter le fusca à Rio, j’ai dû le laisser dans un garage de São Paulo durant plusieurs semaines. »

Tout ça pour un spectacle de 50 minutes.

P.s. L’adresse du site Web de Siri est la suivante : www.siri.etc.br. Pour écouter les extraits musicaux, il vaut mieux utiliser la version brésilienne du site.

17.1.06

TROIS MOIS ≠ 90 JOURS.

« Hey ! Qu’est-ce que tu fais ici ? »

Le militaire paraguayen s’approche à toute vitesse. Sa mitraillette lui frappe le dos à chaque pas. Je perçois son odeur de transpiration juste avant celle de sa mauvaise haleine.

Je suis dans la ville paraguayenne de Ciudad del Este, à la frontière du Brésil, et j’ai besoin d’un visa pour me trouver là.

Non seulement je suis illégal au Brésil, mais je le suis aussi au Paraguay. Deux pays d’un seul coup. Un nouveau record personnel.

En étant illégal, je pourrais croire que je me fonds dans le décor. Le Paraguay est réputé pour être un paradis de la contrebande. Le pays produit 87 milliards de cigarettes en fonction d’un marché interne de 2,5 milliards d’unités. On retrouve 36 fabriques dont 25 ont une capacité à grande échelle. Les propriétaires sont membres du gouvernement. En comparaison, le Brésil compte 5 industries. Tout le surplus est écoulé dans les pays voisins : Uruguay, Argentine, Brésil, Bolivie… Le Paraguay est également un grand producteur de cannabis.

À Ciudad del Este, les ordinateurs portables coûtent la moitié du prix courant. Quand on demande au vendeur si le produit est fiable, il répond : « Mi amigo, yo soy la garantia. ». Je suis la garantie. Pas moyen de trouver autre chose que des petits commerces douteux avec des étagères remplis de copies des marques les plus connues : Nike, Adidas, Sony… Dans ce coin de pays, toute relation humaine est basée sur un échange de produits.

La frontière est un véritable chaos. Les autorités n’ont aucun contrôle. Chaque dix minutes, une centaine de motos, qui dégagent presque toutes des odeurs d’huile et d’essence mal brûlées, traversent vers le pays voisin dans un corridor réservé. Les autos sont surchargées de marchandises et de passagers. Sans compter les milliers de personnes qui traversent à pied tous les jours. Un douanier arrête quelqu’un au hasard et fouille son sac. Les autorités parviennent surtout à mettre la main sur des produits achetés illégalement dans les duty-free. Le va-et-vient perpétuel attire les pauvres vendeurs de coca-cola, de sandwiches et d’empanadas.

Comment j’en suis arrivé là ?

6 janvier, 10 heures, Polícia Federal, Avenida Rodrigues Alves, Rio de Janeiro.

La veille, ma copine Geneviève est arrivée de Montréal. Elle va passer une partie de sa première journée dans les temples de la bureaucratie brésilienne.

La fonctionnaire me fait signe d’entrer dans son bureau.

- Je suis ici depuis 3 mois et j’aimerais prolonger mon séjour pour 3 autres mois. Je suis arrivé à Rio de Janeiro le 6 octobre dernier.
- Vous n’avez pas droit à 3 mois, mais bien à 90 jours. Comme il y a 31 jours en octobre et en décembre, le 90ème jour tombait le 4 janvier. Depuis 2 jours, vous êtes dans l’illégalité. Ce ne sera pas possible de prolonger le séjour. Vous devez sortir du pays.
- C’est quoi ça ? Je ne suis pas un criminel. Je n’ai pas fait ça de manière intentionnelle. Je crois que c’est une erreur honnête. J’ai simplement confondu 3 mois et 90 jours. Je peux payer tout de suite l’amende de 16,54 reais (8,50 $CAN).
- Pour payer l’amende, vous devez aller jusqu’à la frontière du Brésil. Vous devez sortir du pays pendant au moins 24 heures. Après, ce sera possible de prolonger la durée du séjour.
- Madame, si le 4 janvier était tombé un samedi, je n’aurais pas pu venir dans les bureaux de la Police Fédérale.
- C’est vrai. Nous sommes ouverts du lundi au vendredi.
- Le dimanche non plus.
- Exactement. Nous aurions analysé la demande le lundi.
- Justement. C’est quoi la différence entre les 48 heures de la fin de semaine et les 48 heures dans mon cas ? Ma présence n’a entraîné aucun préjudice pour le pays. De plus, le Brésil m’accorde le droit de rester jusqu’à 180 jours par année.
- La loi est claire.
- Je ne veux pas me rendre jusqu’à Foz do Iguaçu simplement pour cette raison.
- Vous avez 8 jours pour sortir du Brésil.
- Ça me semble plutôt absurde. Je suis resté 2 jours dans l’illégalité sans le savoir et maintenant je peux rester 8 jours à Rio avec un visa invalide.
- C’est comme ça.
- Avez-vous des contacts pour les billets d’autobus ?

Kafka, où es-tu ? Viens m’aider.

Avant de me laisser quitter les bureaux, un autre employé prend mes empreintes digitales. J’ai maintenant un dossier dans les filières de la Police Fédérale du Brésil. Peut-être qu’ils vont le classer près de celui du président qui a détourné 2 milliards de fonds publics et a reçu une condamnation de 8 ans… à ne pas faire de politique active.

Bien sûr, on peut dire que l’employé a fait son travail selon les règles. C’est une situation où honnêteté se confond avec médiocrité. Dans pareil cas, il aurait été facile de justifier une prolongation.

Le Brésil est un pays immense. Le cinquième plus grand au monde. Il touche au territoire de tous les pays d’Amérique du Sud, à l’exception du Chili et de l’Équateur. 7367 kilomètres de littoral. Environ 8,5 millions de kilomètres carrés où vivent 55 000 espèces de plantes, 3 000 espèces de poissons et 520 espèces de mammifères (premier au monde dans ces 3 chapitres).

La frontière la plus proche de Rio de Janeiro se trouve à 1455 kilomètres, du côté des chutes de Foz do Iguaçu. Le voyage en autobus dure 25 heures. L’avion est une alternative efficace, mais coûteuse (d’autant plus en haute saison).

Question de me ronger les nerfs un peu plus, il se passe la chose suivante en après-midi. Geneviève et moi allons payer le loyer du mois de janvier. Je demande une copie de la clé. L’avocat responsable de la location (voir archive du mois d’octobre) nous accompagne chez un serrurier, mais il refuse de payer pour le double. Je discute avec lui pendant deux minutes. Il s’en sort en disant que la proprio va la racheter à la fin du bail. Le serrurier a mal fait son travail. La clé ne fonctionne pas. Je suis retourné deux fois à la boutique pour qu’il corrige la situation, mais le résultat est toujours négatif.

Le lundi suivant, je retourne dans les bureaux de la Police Fédérale. L’employée a oublié de me dire que je pouvais présenter une défense écrite. La logique est la suivante : je peux faire appel de la décision, mais la réponse ne viendra pas avant 5 jours ouvrables et le délai de 8 jours pour sortir du pays tient toujours. Si je ne suis pas sorti après 8 jours, c’est un cas de déportation. L’appel sera rendu le huitième jour. C’est quitte ou double. J’ai attendu trois heures pour apprendre ce détail insignifiant.

Sur les 25 heures de voyage, il y en a eu 6 durant lesquelles les toilettes ont été bouchées. L’odeur était insupportable. À São Paulo, la plus grande ville d’Amérique du Sud, le conducteur en a profité pour se perdre. De plus, pendant que je somnolais, les bagages de mon voisin me sont tombés sur la tête.

Arrivé à Foz do Iguaçu, je prends tout de suite un autobus jusqu’à la frontière du Paraguay. La chaleur est étouffante. Le moteur est tellement mal calibré qu’il fait shaker tout le véhicule. Sous l’effet de l’humidité et des vibrations du moteur, je peux sentir mes rétines se décoller. L’autobus passe tout droit à la frontière. Comme il est rempli à ras bord, je ne réussis pas à débarquer avant plusieurs arrêts.

Je savais qu’il fallait un visa pour entrer dans le pays voisin, mais deux personnes, une Anglaise et une Péruvienne, qui ont vécu la même situation que moi, m’ont dit qu’elles avaient réglé la situation sans sortir du pays.

Le militaire paraguayen me dit de retourner du côté brésilien, de l’autre bord de la rivière. En plein milieu du pont, il y a une ligne qui indique la limite entre les deux pays. J’ai été chanceux. Le soldat n’a pas essayé de tirer profit de la situation.

À la douane brésilienne, on m’affirme que ce n’est pas à eux de remplir les papiers officiels. Il faut que j’aille aux bureaux de la Police Fédérale qui se trouvent dans la ville. Évidemment, le département pour les étrangers est fermé depuis 35 minutes. Je dois attendre au lendemain.

Je vais passer une nuit à l’auberge de jeunesse. L’employé me montre sur une carte le chemin pour me rendre aux bureaux de la police. J’y vais pour l’ouverture des portes.

Surprise ! Les bureaux ont déménagé du sud-ouest jusqu’au nord-est de la ville. Il faut prendre un autobus pour aller là-bas.

Je remets mes papiers à la stagiaire de la Police Fédérale et je lui explique la situation. Mon numéro de dossier n’est pas valide dans le système informatisé. Elle doit faire appel à un collègue pour faire une mise au point. Je retourne dans la salle d’attente pendant un autre 15 minutes.

Prise 2.

- Vous allez devoir sortir du pays. Il n’y a pas d’autre solution. Je ne peux pas vous garantir que les douaniers vont accepter de prolonger le visa. Ils peuvent vous dire de revenir dans un an.
- J’ai loué un appart à Rio. Ma copine m’attend là-bas. Toutes mes choses sont là.
- Désolée.
- Est-ce que je peux au moins payer l’amende ici ?
- Non. Vous devez aller dans une banque.
- Humpf… il y a jamais personne qui m’a dit ça. Je vais au moins remplir le formulaire ici. Pouvez-vous m’en donner une copie ?
- Non. Il faut aller sur le site internet de la Police Fédérale pour l’imprimer.
- Finalement, je suis venu ici pour rien.

Je retourne au centre-ville, j’imprime le formulaire dans un café internet et je vais faire la file dans une succursale de la Banco do Brasil.

En fin d’avant-midi, j’embarque dans un autobus pour l’Argentine dont les frontières se trouvent à 10 kilomètres. Aux douanes, je serai à la merci du chantage. Ma position est très peu enviable. S’ils ne veulent pas me laisser entrer à nouveau, je vais devoir appeler Geneviève, lui demander de traîner tous nos bagages jusqu’en Argentine et attendre son arrivée en gardant la même chemise sale sur le dos. Ou essayer d’acheter un douanier.

Rien à voir avec la frontière du Paraguay. C’est le calme absolu. Les postes de l’un et l’autre pays sont situés à un kilomètre de distance.

La douanière ne sait pas quoi faire avec mes documents. Elle transfère le problème à son supérieur. Après deux vigoureux coups de tampon, tout est en ordre. Je peux sortir du Brésil.

La principale attraction de cette région est le parc d’Iguaçu, où se trouvent 275 chutes réparties sur 3 kilomètres. Le film Mission, mettant en vedette Robert de Niro, a été tourné là-bas. L’histoire est celle des Jésuites qui vivaient dans les communautés indigènes. Parce qu’ils protégeaient les Tupi-Guarani et nuisaient aux intérêts des couronnes d’Espagne et du Portugal, leurs missions ont été exterminées. Excellent film avec une trame sonore du compositeur Ennio Morricone.

Je n’ai pas le temps de tout visiter parce que je veux prendre l’autobus pour Rio en début de soirée. Sans poser de questions, le douanier m’accorde une prolongation de 90 jours.

Alors que je croyais arriver au terminus avec 15 minutes d’avance, je me rends compte que j’ai manqué l’autobus de trois quarts d’heure. Tout ça parce que je n’ai pas remarqué qu’en Argentine, le fuseau horaire était différent. Une heure de moins. L’employé me propose un billet pour São Paulo à 19h30. Je préfère aller voir au guichet de l’autre compagnie s’il y a de la place pour Rio. C’est complet. Je reviens au premier guichet. L’homme en avant de moi achète les deux derniers billets pour São Paulo. Pas d’autre départ avant le lendemain.

Pour éviter de passer une autre nuit à Foz do Iguaçu, je prends un autobus jusqu’à Curitiba. De là, jusqu’à São Paulo et ensuite pour Rio de Janeiro.

25 heures monotones. La Police Fédérale nous arrête deux fois pour inspecter le véhicule.
Les agents recherchent des trucs comme de la drogue et des produits de contrebande. Je repense à la frontière du Paraguay. À moins de deux kilomètres du terminus de Rio, l’autobus reste prisonnier du trafic pendant 30 minutes, en plein vendredi soir. Heureusement, dans ces situations, il y a toujours des enfants de 11 ans qui se promènent sur l’autoroute et vendent de la bière bien froide.

Rendu à destination, j’attends un autobus qui va dans mon quartier. C’est trop long. Je prends un taxi. Je fais remarquer au chauffeur que son compteur est brisé.

- C’est pas grave. Je sais combien ça va donner.
- Je paye pas plus que 12.
- C’est pas en bas de 15.
- Je vais débarquer tout de suite à la place.

Date limite pour éviter d’alourdir mon dossier à la Police Fédérale : 12 avril.

3.1.06

T’AURAIS PAS ÇA 10 CENNES ?

Vers 5 heures 45 du matin, il y a encore des dizaines de milliers de personnes dans les rues de Copacabana. Beaucoup moins qu’à minuit pour les feux d’artifice. Entre un et deux millions de personnes, touristes et Cariocas da gema **, ont célébré l’arrivée du nouvel an sur la plage de Copacabana.

Je salue mes amis (un conglomérat international : Suisse, Brésil, Portugal et République dominicaine) et je grimpe à bord d’un des nombreux autobus en circulation. En fait, tellement nombreux, que j’en oublie ma résolution d’arrêter de maudire toute la civilisation occidentale quand le trafic est trop lourd. Par chance, le numéro 433 est équipé d’un système d’air climatisé (le progrès tel que je l’aime… la transpiration est la belle-mère de certaines inventions.)

Au mois de décembre, le maire de Rio, Cesar Maia, a autorisé une augmentation de dix centavos pour les autobus de la ville. Elle entrera en vigueur le sept janvier 2006. Un passage coûte maintenant 1,90 reais. Au mois d’avril 2005, le tarif était passé de 1,60 à 1,80 reais.

Les parcours d’autobus appartiennent à des compagnies de transport privées. Au contraire des taxis jaunes, les véhicules ont des couleurs différentes selon leur propriétaire. C’est toujours un autobus rouge qui va vous conduire à Vila Isabel, ce qui augmente les chances d’attraper le bon, parce qu’à la vitesse où ça roule, l’apprenti Carioca peut facilement se tromper.

Il n’y a pas de système de billets ou de laissez-passer. Au mieux, l’usager peut se procurer une carte de débit électronique, valide pour une seule compagnie. Le chauffeur ne s’occupe pas de l’argent. Cette tâche revient au percepteur qui l’accompagne. Aucune réduction n’est accordée selon le nombre de voyages. Tarif fixe.

(Le coût des assurances pour les proprios d’autobus doit être exorbitant. Leurs flottes sont souvent la cible d’attaques. Par exemple, en signe de représailles suite à une opération policière dans une favela. En moyenne, un autobus est détruit à chaque deux semaines. Durant les récentes émeutes sur le territoire français, un journal a mis à la une la photo d’un autobus en flammes : « Non, pour une fois, ça ne se passe pas à Rio. »)

Les milliers de travailleurs, dont le salaire équivaut au minimum mensuel, soit environ 360 reais (180$CAN), sont des habitués du transport en commun. Pour beaucoup d’entre eux, la semaine de travail comporte six jours. Comme c’est le cas pour les employés de restaurants et d’épiceries qui travaillent pas loin de 48 heures hebdomadaires.

Si une serveuse effectue un aller-retour 24 jours par mois, elle débourse 14,40 reais supplémentaires en comparaison avec le mois de mars dernier. La situation est pire pour le travailleur de la Zone Ouest qui doit prendre deux autobus jusqu’à la Zone Sud ou au centre-ville : presque 30 reais de moins dans ses poches.

Avec un budget mensuel très sensible aux dépenses imprévues, cette différence ne favorise pas une augmentation de l’indice de qualité de vie, tel que défini par l’Organisation des Nations Unies.

À 2,25 reais, le métro avec air climatisé (deux lignes qui desservent les Zones Nord et Sud) est une solution de rechange plutôt coûteuse. Ce ne sont pas tous les travailleurs qui ont les moyens de prendre le métro à chaque jour.

Dommage, parce qu’il est très efficace. J’aurais dû le prendre pour revenir de Copacabana. Ma résolution tiendrait toujours.

** Carioca : habitant de Rio ; Carioca da gema : Carioca authentique, natif de la ville.



Supplément du nouvel an : quelques infos pour mieux me situer dans le quotidien.

DU PLUS PETIT AU PLUS GRAND

Conjugado au huitième étage : petit studio meublé où j’habite (bientôt nous). Le salon – principal lieu d’activité cérébrale – est séparé de la chambre par une paroi avec de grandes ouvertures. Jusqu’à midi, le soleil frappe en plein sur la fenêtre panoramique de la chambre. La cuisine est minuscule. Il n’y a pas de place pour plus d’une pizza extra-large (et encore, faut la faire cuire en deux moitiés). Je passe beaucoup de temps dans mon appart à lire et écrire.

Édifice Santa Barbara : building de dix étages dans lequel se trouve le conjugado. Il doit y avoir environ 60 logements. Phénomène typique des grandes métropoles : en près de 3 mois, je n’ai jamais rencontré mes plus proches voisins. Très tranquille. Le premier janvier, en revenant chez moi de Copacabana, j’ai croisé un homme sur la rue. On s’est mis à discuter. Quand je lui ai dit que j’étais écrivain, il m’a conseillé deux ou trois lectures. Nous avons constaté que nous habitons dans le même édifice. Lui au septième et moi à l’étage supérieur. Pour rajouter à tout ça, Luis a étudié avec le musicien qui dirige mon groupe de percussions. Il m’a invité à écouter de la musique populaire brésilienne. Malgré la fatigue, il voulait me faire partager quelques bonnes pièces de samba.

Rua do Catete : rue commerciale, peuplée de marchands ambulants, offrant tous les services pour assurer la survie de l’étranger : épicerie, accès au métro, café, restos, bar, librairie, pharmacie, internet… J’ai mes habitudes dans plusieurs de ces endroits. À 3-4 minutes de mon appart, il y a le musée de la République, qui était, jusqu’à la fin des années 50, le siège du gouvernement. Mon quartier était le centre politique du pays avant le déménagement de la capitale à Brasília. Ça ne se voit pas au premier coup d’oeil.

Glória : quartier populaire de la zona Sul. Moins densément peuplé que des quartiers comme Copacabana et Tijuca. Ça reste urbain et bruyant. De là, je peux me rendre à pied dans Lapa (groupe de percussion) et Laranjeiras (cours de tambourin). Pas loin, se trouve Santa Tereza, un des seuls quartiers bâtis sur un mont qui ne soit pas une favela. Le centre-ville, milieu des affaires, est aussi accessible à pied.

Zona Sul : un des 4 grands secteurs de Rio. Les autres sont le Centro, la Zona Norte et la Zona Oeste. Si la Zona Este existait, elle tomberait en plein milieu de l’océan. C’est dans la Zona Sul qu’on retrouve les quartiers les plus riches, à proximité des plages comme Ipanema, Leblon et Sao Conrado. Je me tiens surtout dans cette partie de la ville. Dans les quartiers les plus au nord, où j’ai passé Noël, il y a peu de choses à voir. Ce sont des quartiers résidentiels pas très jolis. À tous les jours, je vais sur la plage de Flamengo, à cinq minutes de chez moi. J’en profite pour faire quelques exercices de biceps sur les barres horizontales et verticales.

Rio de Janeiro : à la fin mars, il faudra aller vers d’autres cieux, à l’extérieur du territoire brésilien. Le visa de tourisme va expirer. Je ne sais pas encore si je pourrai revenir cette année. Les informations sont contradictoires. À discuter avec la Police Fédérale. Argentine, Uruguay, Paraguay…

Brésil : endroit magnifique où passer quelques mois de sa vie. Je profite de l’expérience à tous les jours.