KEITH RICHARDS ET LA SAMBA DE QUIZOMBA.
Samedi prochain, je ne serai pas parmi les quelques deux millions de spectateurs qui vont envahir la plage de Copacabana pour le spectacle des Rolling Stones. Le groupe espère établir un record mondial d’assistance. Ils ont choisi le bon endroit. Les Cariocas, habitants de Rio de Janeiro, détestent la solitude. Dès qu’on leur donne l’occasion de se rassembler, ils affluent de tous les quartiers.
Au mois de janvier, durant un spectacle qui a réuni 300 000 spectateurs sur la plage de Flamengo, la musique de Babado Novo a fait trembler la façade des édifices les plus proches et fait tomber des morceaux de toiture. Ce n’était certainement pas un motif suffisant pour annuler le show du groupe Skank dix jours plus tard. On ne prive pas un Carioca du plaisir de danser debout sur les rangées de toilettes chimiques.
Le Bloco Quizomba, dont je fais partie depuis novembre dernier, montera lui aussi sur scène samedi soir. Le spectacle du 18 février marquera la fin de notre séjour au Circo Voador. Ce sera la septième fois que nous jouons pour le public du quartier Lapa. Il y aura deux autres shows (les 16 et 23 février) dans un centre culturel. L’événement culminant sera le défilé du Carnaval, mardi 28 février. Au total, Quizomba aura donné une douzaine de représentations en deux mois.
Le répertoire de Quizomba se compose d’interprétations de MPB (Música Popular Brasileira) et d’une pièce originale. Ils sont nombreux les groupes qui se consacrent à la musique des autres. Rio de Janeiro est le berceau de la samba. L’interprétation joue un rôle particulier. Ça demeure une forme de tradition orale, une façon de transmettre un héritage culturel. Comme tout le monde connaît les paroles et la musique par cœur, il est facile d’apporter sa contribution en chantant, en dansant ou en tapant dans ses mains. Et tout aussi facile d’improviser un party au coin d’une rue.
En contrepartie, la mise en valeur des traditions limite l’exploration de nouveaux horizons. Par exemple, les thèmes des chansons de Carnaval se ressemblent tous. J’imagine que les compositeurs utilisent une paire de dés avec, sur chaque face, des mots comme joie, bonheur, allégresse… Ils utilisent les combinaisons obtenues. Je suis saturé de ces formules : la joie d’être content, le bonheur d’être heureux, le cœur joyeux, le bonheur dans son cœur, l’allégresse du Carnaval, etc.
Bloco Quizomba existe depuis environ quatre ans, mais c’est la première année où il obtient autant de visibilité. Un journal de São Paulo a classé Quizomba parmi les 10 meilleurs blocos de Rio de Janeiro. Quelques semaines auparavant, un réseau de télé a fait un reportage durant lequel le gringo canadien a été interviewé. Ce qui m’a permis de me faire reconnaître dans la rue et de gruger 2 min 30 de mon quinze minutes de gloire (il doit m’en rester neuf minutes). Deux ou trois autres publications ont également écrit un papier au sujet du groupe.
Certains musiciens du groupe sont des professionnels – voir à ce sujet le billet intitulé La mélodie du Beetle –, mais la plupart viennent de différents horizons : avocat, militaire, entrepreneur… Je vais en profiter pour souligner une différence fondamentale entre Cariocas et Québécois par rapport à la place du travail dans leur vie. Même si je connais bien plusieurs membres de Quizomba, je sais peu de choses par rapport à leur vie professionnelle. Le sujet ne fait simplement pas partie des thèmes les plus courants.
En plus de la quarantaine de percussionnistes, deux chanteuses, un chanteur, un guitariste et un bassiste prennent en charge l’harmonie. Sans compter les nombreux invités qui se joignent chaque semaine pour une participation spéciale. Sur scène non plus, les Cariocas n’aiment pas se retrouver seuls. Les groupes sont formés en moyenne de huit ou neuf musiciens. Ils sont incapables de ne pas inviter leur chum qui joue du triangle ou du didjeridoo. Même le Djambo Trio compte sept membres.
Le samedi 18 février sera pour moi une soirée mémorable, mais pas pour les mêmes raisons que les deux millions de Cariocas à Copacabana.