19.10.06

UN OU UNE GANG DE RUE ?


Les médias accordent beaucoup d'importance à la question des gangs de rue. Bien entendu, l'objectif premier est de donner la vision la plus juste sur ce qui se passe à Montréal. Est-ce qu'on fait fausse route dès le départ en parlant d'un gang plutôt que d'une gang de rue ? Quand j'étais psychologue dans les écoles de Montréal-Nord, je n'ai jamais entendu un enfant, peu importe son origine, utiliser ce mot au masculin, pas plus que les professeurs d'ailleurs. Peu importe le contexte dans lequel nous employons ce mot, les Québécois parlent toujours d'une gang ou de la gang.

Pourquoi en va-t-il autrement sur les ondes de Radio-Canada ou dans les pages de La Presse ? Les correcteurs et conseillers linguistiques ont fait leur travail. Ils ont consulté le dictionnaire Robert et vérifié l'orthographe et le genre du mot. Les Québécois et les Français ont adopté des mots anglais comme gang, toast et job. Eu Europe, leur genre est masculin. Au Québec, il est féminin (toast au sens de rôtie). Un linguiste pourrait sans doute nous fournir une explication quant au pourquoi de cette différence. Malheureusement, dans notre coin d'Amérique, nous croyons que la norme européenne a toujours plus de valeur que celle québécoise. Nous tenons à préserver cette idée que nous écrivons et parlons mal, beaucoup plus qu'à préserver les forêts boréales. Dans le cas présent, plutôt que d'appliquer une logique toute simple, en accord avec notre utilisation du mot, nous préférons l'opinion des académiciens français. Résultat : un gang. Le message envoyé : nous, francophones du Québec, sommes incapables de déterminer le genre d'un mot. Nous cultivons l'ambivalence.

Pour en arriver à une plus grande harmonie entre la langue parlée et écrite, il faudrait d'abord construire les outils qui seraient un véritable reflet du Québec. Nous avons le capital humain et les ressources matérielles nécessaires pour les développer. L'Université de Sherbrooke travaille en ce sens depuis plusieurs années. J'espère qu'un jour les Québécois accorderont autant d'importance à un dictionnaire fait au Québec qu'aux traditionnels ouvrages français. Si un spécialiste se donnait l'objectif de répertorier toutes les espèces de papillons québécois, mais qu'il en laissait de côté parce que les couleurs de l'un ou de l'autre ne lui plaisent pas, tout le monde trouverait ça absurde. Nous avons cette attitude à l'égard de notre vocabulaire. Certains mots nous accompagnent depuis plusieurs générations, mais nous n'osons pas reconnaître leur valeur. Nous refusons d'en faire des mots comme les autres et de les inclure dans un recueil de la langue. Nous jugeons qu'ils ne le méritent pas.

Ça peut sembler futile de s'attarder à une question d'article indéfini, alors que les problèmes principaux associés aux gangs de rue sont les suivants : violence, abus physiques, agressions sexuelles et trafic de drogues. Cependant, il est difficile de comprendre une réalité si nous hésitons à écrire un mot tel que nous l'employons dans la langue parlée. Nous la déformons aussitôt. Avant d'évaluer la distance entre Québécois de souche et Québécois de branche ou de feuillage, constatons à quel point notre identité est faite de grands vides.

4.10.06

Une ligue, une ville.

Article publié dans le journal Québec Soccer, octobre 2006.

Maintenant que les experts argentins ont analysé sous tous les angles possibles la performance de leur pays au Mondial et oublié la défaite contre l’Allemagne, ils peuvent se concentrer sur la ligue nationale de l’Argentine. La nouvelle saison de football a débuté le 4 août dernier.

Depuis 1991, les vingt clubs de première division disputent deux championnats nationaux : Apertura (ouverture) et Clausura (fermeture). Dans chacun des championnats, les équipes jouent dix-neuf matchs, soit un contre chaque rival. Boca Juniors, ancien club du légendaire Diego Maradona, a remporté les deux dernières éditions. Ces succès ont permis à l’entraîneur Alfio « Coco » Basile d’obtenir le poste de directeur technique de la sélection nationale.

Plus d’un tiers de la population de l’Argentine habite la région métropolitaine de Buenos Aires. La vie politique et économique perd de son éclat au-delà des limites provinciales de Buenos Aires. La première division est le reflet de la situation du pays. Sur les vingt équipes, six d’entre elles évoluent dans un stade de la capitale fédérale. Huit autres jouent dans les municipalités voisines d’Avellaneda, de La Plata, de Banfield, de Lanús et de Quilmes. Quatre provinces du centre et du nord-ouest se partagent les six équipes restantes.

Chaque saison, les noms de cinq équipes reviennent parmi les favoris : Boca Juniors, River Plate, Racing, Independiente et San Lorenzo. Deux clubs de Buenos Aires se distinguent parmi l’élite du foot argentin. Depuis 1931, River Plate a remporté 32 titres nationaux et Boca Juniors, son éternel rival, en a gagné 23.

Le début d’une nouvelle saison signifie le départ des espoirs vers l’Espagne, l’Italie ou l’Angleterre. Liverpool aurait offert près de douze millions d’Euros à River Plate pour obtenir les droits de Gonzalo Higuaín, un attaquant de dix-huit ans. L’Argentine perd aussi ses meilleurs éléments au profit de son frère ennemi, le Brésil. Carlitos Tevez et Javier Mascherano, deux joueurs importants de la sélection nationale, jouaient avec les Corinthians de São Paulo avant leur transfert en Angleterre.

À l’inverse, les joueurs en fin de carrière viennent brûler leurs dernières cartouches en Argentine. Parmi les vétérans qui reviennent au pays, il faut souligner les noms de Juan Sebastian Verón et de Cristian González, qui jouaient tous deux pour l’Inter de Milan. Même s’il était convoité par des clubs européens, ainsi que Boca et River, Verón a préféré signer un contrat avec le modeste club Estudiantes, au sein duquel il a commencé sa carrière professionnelle. Pour sa part, « Kily » González est retourné jouer dans sa ville natale, Rosario.

Les salaires ne sont pas comparables à ceux des puissantes ligues européennes, mais un joueur vedette peut gagner jusqu’à un million et demi de pesos argentins par année (environ 500 000 dollars américains). Après le championnat brésilien, celui de l’Argentine est le plus important d’Amérique du Sud. Les meilleurs joueurs de la Colombie, du Paraguay et de l’Uruguay sont recrutés par les aspirants au titre de champion des tournois Apertura et Clausura.

L’Argentine n’a pas remporté la Coupe du Monde, mais le pays avait tout de même un représentant dans l’équipe gagnante : le milieu de terrain Mauro Camoranesi. Cet Argentin, qui possède la citoyenneté italienne depuis quelques années, a débuté sa carrière professionnelle à 50 kilomètres de Buenos Aires, en portant les couleurs du club Gimnasia de La Plata. S’il connaît autant de succès en Europe, il le doit en bonne partie à son expérience acquise sur les terrains argentins.