18.5.06

HOMMAGE AU MALBEC

Les vins argentins sont spectaculaires comme le décolleté d’un top model brésilien ou aussi séduisants qu’Isabelle Blais. Davantage que le Cabernet Sauvignon, le Merlot ou le Pinot Noir, le cépage Malbec définit les couleurs de l’Argentine. Au nez, ce vin rouge évoque les cerises ou le cassis. En bouche, il exprime toute sa splendeur : des arômes et des goûts de chocolat, vanille, cuir et café.

Qu’est-ce qui provoque le plus de migraines : le vin rouge ou le mariage ? Cette question est aussi ouverte que celle de l’origine du nom « Malbec ». Certains affirment que Malbec était le nom de famille du viticulteur hongrois qui a introduit cette variété sur le sol français. Pourtant, en France, le cépage Malbec est connu sous le nom de Cot. Dans la région de Cahors, on l’appelle Auxerrois. En Argentine, le Malbec a fait son apparition au milieu du dix-neuvième siècle. L’agronome français Michel Pouget, aux côtés de ses collègues, en a cultivé de grandes quantités. Les Français reprochaient plusieurs choses à cette variété (ah ben gadon, quelle surprise !), entre autres l’aspérité de ses tannins. Le vin était mauvais (mal) en bouche (bec). Malbec…

Les Français avaient peut-être raison à l’époque, mais les immigrants européens ont découvert que le sol et le climat argentins, en comparaison à ceux de l’Ancien Monde, procuraient au Malbec des conditions plus adéquates au bon développement de ses tannins robustes et de sa couleur intense. La qualité de ce vin était supérieure à celle des autres variétés introduites en Amérique du Sud.

Encore aujourd’hui, ils sont nombreux les Européens qui partent à la conquête de la nouvelle frontière du millésimé. Ils arrivent de France, d’Italie ou d’Espagne. Dans le cas de Roberto Cipresso, considéré comme l’un des meilleurs œnologues italiens, ce sont deux investisseurs argentins qui l’ont convaincu d’élargir son territoire au-delà de la Toscane.

Santiago Achaval et Manuel Ferrer, ex-industriels spécialisés dans le ciment que le Malbec a transfigurés (eux-mêmes et non pas le ciment), ont entrepris avec lui un périple de 4 000 kilomètres à travers les vignobles situés aux pieds des Andes. Roberto Cipresso a découvert le paradis du vin dans la vallée de Uco : des vignes plantées, aux environs de 1915, dans un sol idéal et à l’altitude parfaite.

Premier choc. Les propriétaires envisageaient de brûler ces vignes aristocratiques pour faire place à un cépage qui offre un rendement supérieur. Cette tendance a failli coûter la vie au Malbec dans toute la région de Mendoza. Au cours des années 80, pendant que la jeunesse insouciante rêvait d’un pinch à la Lionel Richie, on éradiquait les vignes de Malbec parce que les technocrates dessinaient un futur à une seule variable : la haute productivité.

Une restructuration du milieu vinicole, à l’échelle nationale et internationale, a modifié cette perspective. Auparavant, la région de production revêtait plus d’importance que le cépage en lui-même. Aujourd’hui, le consommateur achète une étiquette tout autant qu’un produit. En quelque sorte, le Malbec argentin est devenu une marque de la singularité qui contribue au positionnement de tous les vins du pays. C’est en Argentine qu’on retrouve la plus grande superficie cultivée : 16 000 hectares. En comparaison, la France consacre 5 000 hectares au Malbec et la Californie seulement 45.

Deuxième choc. Roberto Cipresso est tombé face à face avec un vieux cochon qui s’engraissait le bacon en dévorant les précieuses grappes. Avant tout, l’Italien a acheté les terres d’Altamira pour se débarrasser du gros cochon noir. Achaval, Cipresso et compagnie ont aussi investi dans les vignes de Tupungato, San Carlos et Perdriel.

Au cours des dernières années, les éloges, quant à la qualité de leur produit, n’ont pas cessé de pleuvoir. Leur Finca Altamira 2003 a obtenu 96 points, sur une échelle de 100, au classement de la revue Wine Spectator. Consécration internationale. Achaval-Ferrer est maintenant l’un des maîtres producteurs de vins Malbec haut de gamme. (Au prix que coûtent leurs vins de garde, je recommande l’achat d’un chien de garde pour veiller à la sécurité.)

À Achaval-Ferrer et tous les producteurs de l’Argentine, je dédie cet aphorisme : « Un alcoolique est un individu qui boit plus que son psychologue. »

http://www.achaval-ferrer.com/

Appendice

Les spécialistes peuvent affirmer que le vin goûte le chien mouillé, le foin coupé ou les fleurs séchées, mais il n’y a jamais personne pour dire que ça goûte le raisin. Lorsque ces mêmes spécialistes ont soif de raisin, que font-ils ? Ils s’achètent du jus de prune ? Pour comprendre la philosophie, j’ose faire le rapprochement entre du vin rouge et un sandwich au thon. On veut que ça goûte n’importe quoi sauf le thon. Dans un cas comme dans l’autre, l’expérience gustative est supérieure quand ça goûte autre chose.

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