6.4.06

LE TOUR DU MONDE

(Rio de Janeiro)

Toute la famille est là.

Maman installe sa glacière sous les arches de Lapa. Durant la journée, les touristes s’arrêtent devant les arches blanches pour prendre une photo. Cette construction ressemble aux aqueducs romains. Elle a déjà eu cette fonction. Aujourd’hui, il y a un tramway qui circule au sommet.

À côté des arches, la grande place publique sera bientôt remplie. Une étrange force magnétique attire les Cariocas * vers les espaces ouverts. Ou est-ce la peur du vide qui les conduit à faire obstacle au silence ? Chaque vendredi et samedi, ils sont quelques milliers à se rencontrer là-bas. On peut assister à des démonstrations de capoeira ou de percussions afro-brésiliennes.

Maman vend de la bière et de la liqueur. C’est le même prix : deux reais **. Sa fille aînée ramasse les canettes vides éparpillées un peu partout. Elle doit se montrer habile parce que la concurrence est vive. Quand sa mère a besoin de change, elle court en chercher auprès d’un voisin de la favela qui est aussi à Lapa pour vendre du pop-corn ou de la caipirinha.

Le cadet est aussi mis à contribution. Je vais l’appeler Ronaldihno parce que je suis certain qu’il aimerait être comparé au meilleur joueur de foot sur la planète. Sa peau est aussi noire que celle de ses ancêtres africains que les Portugais ont transformés en esclaves. Il a en main une nouvelle boîte de paquets de gomme.

Ses soirées de travail commencent vers 10 heures. Je ne crois pas que son rythme de vie nuise à sa réussite scolaire : Ronaldinho n’a pas encore l’âge d’aller à l’école primaire. Par contre, sa façon de bouger ressemble à celle des adultes qu’il côtoie plus souvent que les enfants de son âge. Il utilise des expressions aussi colorées que celles du vagabond dont les rétines sont fatiguées d’avoir trop vu.

Ronaldinho se faufile parmi les centaines de fêtards qui boivent, discutent et argumentent. Pour attirer leur attention, il s’accroche à leur taille avec sa main libre. S’il veut les regarder dans les yeux, il doit jeter sa tête le plus loin possible vers l’arrière. À chacun, sans jamais négliger personne, il montre sa boîte de carton remplie de Chiclets. Les femmes répondent doucement non en lui caressant les cheveux. Les hommes se contentent d’un signe de tête négatif.

Sans laisser voir ce qu’il peut ressentir, Ronaldinho continue à faire le tour du monde jusqu’à l’aube. La phase du non va durer encore plusieurs années.



* Habitants de Rio de Janeiro.
** Environ un dollar canadien.

1 commentaires:

À 8:58 p.m. , Anonymous Anonyme a dit...

Ouff, t'as le mot pesant. Mais, pour avoir vu des dizaines de Ronaldinhos cirer des chaussures, vendre des cigarettes, des chiclets et des sourires pour les 35mm, on ne peut que dire que t'as le mot juste. Réussir à faire sortir Ronaldinho de son rôle de businessman cinq minutes en lui achetant un foutu paquet de Chiclets, en lui posant des questions, en l'écoutant, ce n'est que le début du tour d'un monde à découvrir.
Chapeau!
MaxB

 

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