« NOUS AVONS PERDU PARCE QUE NOUS N’AVONS PAS GAGNÉ. »
La citation est de l’attaquant brésilien Ronaldo. Il y a de quoi nourrir une famille nombreuse de sémiologues jusqu’au prochain Mondial. Le coach Carlos Alberto Parreira, créateur du style apathique été 2006, devra travailler fort pour dissiper les menaces de renvoi qui planent sur sa tête, tel un chouclaque de Damoclès au-dessus de la fourmi laborieuse.
L’Argentin se demande souvent si « nous avons perdu parce que nous avons gagné. » La réflexion n’a rien à voir avec le football. Il y a 200 ans, la flotte britannique débarquait à Buenos Aires pour mettre la main sur les richesses de ces territoires et gagner le respect du roi. La Couronne n’avait pas accordé un droit officiel à cette mission. C’était les ambitions personnelles qui motivaient le capitaine William Beresford. Grâce à la résistance des criollos **, les envahisseurs ont dû renoncer à leur rêve de conquête.
Et si Buenos Aires avait accueilli les Anglais à bras ouverts ?
Pour plusieurs, l’Argentine serait un pays aussi riche et prospère que les Etats-Unis ou le Canada. L’idée est très commune dans l’imaginaire social. « Nous serions les Australiens de l’Amérique du Sud. » Ces deux peuples ont au moins un point en commun : les Argentins ont massacré autant d’indigènes que les Australiens, sinon plus.
Le Canada, pays situé dans un champ au bout du 8ème rang de l’Histoire contemporaine, dont la neutralité s’apparente à celle du petit joufflu dans la cour d’école qui était l’ami de tout le monde, oui, oui, celui-là avec son t-shirt fluo Ocean Pacific, toujours au bout de la rangée dans les photos de groupe, eh oui ce Canada est un pays modèle pour les Argentins. On louange ses qualités de low-profile bien nanti. La semaine dernière, un journal argentin présentait une photo des membres du G-8. Aux côtés du Russe Vladimir Poutine, il y avait le premier ministre canadien… Peter MacKay.
Le 25 juin 1806 avait lieu l’invasion qui créait un mythe. Deux mois plus tard, le capitaine Beresford était défait par Santiago de Liniers, chef de la résistance. En 1807, depuis le territoire qui est aujourd’hui celui de l’Uruguay, les Anglais ont attaqué Buenos Aires de nouveau. Second échec. La population de Buenos Aires a puisé dans cet épisode la détermination qui alimenterait la Révolution de 1810, dont la principale conclusion a été l’indépendance du pays.
Pour les Anglais, ces défaites militaires renforçaient l’idée que la domination devait s’exercer par la force du capital, plutôt que celle des armes. Avant les guerres d’indépendance, l’Angleterre contrôlait déjà la majeure partie du commerce entre l’Espagne et ses colonies. Les révolutions à travers l’Amérique du Sud étaient avant tout une reconnaissance politique d’un état de fait. Le monopole espagnol n’existait plus. Après l’échec de Buenos Aires, les politiques de Londres ont permis aux marchands anglais de s’approprier neuf dixièmes du commerce de l’Amérique latine.
Dimanche 9 juillet, ce sera la finale France-Italie dans le stade de Berlin. Je vais regretter de ne pas être dans un certain café du boulevard Saint-Laurent à engloutir ma ration quotidienne d’espresso doppio. Forza Italia !! En Argentine, les gens vont célébrer le jour de l’Indépendance. À Mendoza et Buenos Aires, l’occasion sera bonne pour discutailler le bout de gras saturé et réécrire l’histoire du pays. L’Argentine du XXIème siècle aurait-elle plus à voir avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande ou bien le pays aurait-il partagé le destin de l’Inde et de l’Afrique du Sud ?
** Les descendants des colonisateurs espagnols.
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