30.6.06

MOTEL RIO

Article paru dans l'édition juillet 2006 du magazine Corps et Âme



Peu importe l’orientation ou les préférences sexuelles, les Cariocas, habitants de Rio de Janeiro, partagent un intérêt particulier pour les motels.

Avant de s’étendre sur un lit vibro-masseur et sous un miroir de plafond, il faut d’abord rencontrer l’homme ou la femme idéale.

Les Cariocas profitent de chaque occasion pour faire de nouvelles connaissances. Ils évitent autant que possible les moments de solitude. Les lieux de rencontre sont nombreux : sur la plage, dans les partys ou boîtes de nuit, à l’université, après les répétitions des écoles de samba…

Depuis trois ou quatre ans, les Cariocas se passionnent pour les rencontres virtuelles. Les communautés Orkut, créées par le géant Google, sont très populaires chez les moins de 35 ans. Une visite dans un café Internet suffit pour constater l’ampleur du phénomène.

Dans les favelas, quartiers pauvres où vivent un des cinq millions de Cariocas, les spectacles de musique funk (hip-hop façon Rio) attirent des milliers de jeunes chaque fin de semaine. Le caractère sexuel des paroles est très explicite. Les chansons ont pour thème des pratiques comme le 69 et la sodomie. Pour parler des femmes, on emploie le terme cachorra (chienne). La manière de danser comporte beaucoup de points communs avec les techniques de striptease.

Une des principales représentantes du funk est la chanteuse Tati Quebra-Barraco (25 ans, 3 enfants, le premier à 13 ans). En réponse à la question « Le sexe est-il fondamental dans votre musique ? », elle déclarait à la revue Playboy : « Je parle de ce que je veux. Celui qui ne veut pas entendre peut se boucher les oreilles. Quelle femme ne suce pas de queue ? »

Est-ce que le Brésil est vraiment le pays le plus catholique du monde ? La pratique religieuse est forte, mais il n’y a pas cette rigidité associée au culte catholique. D’après une enquête nationale, la majorité des Brésiliens ont des relations avant le mariage, considèrent que la masturbation est quelque chose de sain et que le plaisir est la principale fonction du sexe.

La sexualité dynamise tous les aspects de la vie sociale et les motels sont en quelque sorte le symbole de cette vitalité.

À Rio de Janeiro et dans le reste du pays, aller au motel signifie à coup sûr aller baiser. Ces établissements n’ont pas de tarif pour une période de 24 heures : ils offrent des blocs de 3, 6 ou 12 heures. En général, les motels sont situés en périphérie de la ville, près des boulevards et autoroutes. Pour augmenter le charme exotique de leurs établissements, les propriétaires font appel aux langues française et anglaise : L’Amour, Wet Dreams, Confidence, Love Time…

L’endroit est idéal pour réaliser des fantasmes qui vont au-delà des plus courants (faire l’amour dans un lieu public ou avec plus d’un partenaire). Parfait aussi pour essayer des positions sexuelles différentes de la traditionnelle papai e mamãe, qui correspond à la position du missionnaire.

Selon Mariane, une avocate de 31 ans, la popularité des motels est due à un facteur particulier : « Même après avoir terminé leurs études et trouvé un travail, les Brésiliens doivent souvent rester chez leurs parents parce qu’ils ne gagnent pas assez pour vivre seul ou en couple. Ils préfèrent économiser pour acheter leur propre maison ou appartement. Le manque d’intimité incite les jeunes à se réfugier dans les motels. » Ce sont parfois aussi les parents qui ont besoin de sortir de la maison.

Autant la chambre peut être un lieu minable, fréquenté surtout par les prostituées, autant elle peut offrir de quoi cultiver divers fantasmes. Les meilleurs établissements offrent des chambres à thèmes. Celles-ci recréent un univers western, japonais, sadomaso, égyptien ou hollywoodien. À l’intérieur, les accessoires sont variés : de la chaise érotique, qui permet toutes sortes de positions, à la table de billard, en passant par la piste de danse pour striptease, le bain tourbillon et les arômes aphrodisiaques. Pour les clients plus conventionnels, certaines chambres sont équipées de télévision à écran géant. La boutique érotique se trouve près de l’entrée. La gamme de prix est très étendue : de 20 reais à 400 reais (10 à 200 dollars canadiens) pour 12 heures.

Le motel est parfois un lieu de rendez-vous pour fêter l’anniversaire d’un ami. Un DJ s’occupe de l’ambiance musicale, des boissons aphrodisiaques sont disponibles et les invités partagent un gâteau de fête en forme de lit avec un couple nu.

Il existe même une communauté Orkut pour venir en aide à ceux qui n’ont pas d’auto : « Je vais au motel à pied. » Parmi les conseils de base, on recommande de ne pas se rendre au motel en taxi. Il vaut mieux investir son argent dans une meilleure suite.

Durant l’été brésilien, de décembre à la fin février, le taux d’occupation des motels frôle toujours la capacité maximale. De même, la consommation de repas, de boissons alcoolisées et de produits érotiques y est très élevée.

L’été est la saison du sexe. Cette idée populaire est confirmée par des spécialistes comme le sexologue Arnaldo Risman : « Il est clair que les Cariocas sont plus actifs sexuellement durant cette saison. Les hommes et les femmes se préparent toute l’année pour montrer leur corps pendant cette période. L’été fait naître cette magie de pouvoir transformer notre propre quotidien, et ça stimule l’imagination sexuelle. C’est un temps de beauté pure. »

Les 37 plages de Rio, en bordure de la baie de Guanabara ou de l’océan Atlantique, sont l’endroit idéal où exhiber les résultats d’un entraînement physique intensif. On peut constater que les hommes accordent une grande importance à la musculation.

Les Brésiliennes sont davantage préoccupées par l’apparence de leurs fesses que par la grosseur de leurs seins. Elles n’hésitent pas à recourir à des traitements esthétiques comme l’électro-stimulation : le choc provoque une contraction du muscle fessier qui tonifie le bumbum. En complément à cette méthode, les massages permettent d’améliorer la circulation sanguine.

Une caractéristique de l’été enchante les gérants de motels : les clients se présentent en grand nombre sur l’heure du dîner, entre 11 et 14 heures. Dans les quelques motels situés près de la plage, les clients arrivent au comptoir en costume de bain. Les aventures amoureuses sont plus fréquentes durant la journée.

Ce plaisir estival n’est pas un privilège exclusif aux Cariocas. Une partie du succès des motels s’explique par la présence massive de touristes européens, canadiens ou américains. Les gringos découvrent à la fois la sensualité brésilienne et une institution nationale.

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